Qui va profiter du bouclier fiscal ?
le 25 septembre 2007
1 000 co
ntribuables dont la fortune est supérieure à 15,5 millions
d’euros profiteront chacun
d’une baisse d’impôt de 270 000 euros.
L’Observatoire des inégalités publie les estimations de l’Assemblée
nationale.
1 000 contribuables dont la fortune est supérieure à
15,5 millions d’euros profiteront chacun d’une baisse d’impôt sur le
revenu de 270 000 euros grâce au nouveau "bouclier fiscal".
L’Observatoire des inégalités publie les estimations réalisées par
l’Assemblée nationale lors du vote de la loi "en faveur du travail, de
l’emploi et du pouvoir d’achat" adoptée le premier août dernier (lire le rapport).
Désormais en effet, le montant des impôts directs (impôt sur la
fortune, impôt sur le revenu et impôts locaux) ne pourra dépasser 50 %
des revenus d’un foyer fiscal, contre 60 % auparavant. Coût total de
cette mesure pour le contribuable : 810 millions d’euros, à peu de
chose près ce que vont rapporter les futures franchises sur les
dépenses de santé.
D’après les estimations de l’Assemblée nationale, 234
000 contribuables vont bénéficier des 810 millions d’euros. Le bouclier
a été justifié de la façon suivante : il fallait éviter que des ménages
aux bas revenus ne soient imposés du seul fait de leur patrimoine.
C’est le fameux cas de la veuve de l’Ile de Ré (information largement
médiatisée), dont les maigres terres ont pris tellement de valeur
qu’elle est soumise à l’impôt sur la fortune... Parmi ces 234 000 foyers fiscaux, un peu moins de 206
000 déclarent des revenus très faibles (inférieurs à 7 000 euros
annuels). Mais les cas de foyers effectivement pauvres et lourdement
imposés sont rares, du fait des exonérations et dégrèvements de la taxe
d’habitation. Ces cas isolés servent de paravent à des ménages qui
déclarent artificiellement des bas revenus parce qu’ils déduisent de
leurs ressources des dépenses que les salariés ne peuvent pas
comptabiliser (automobile, équipements divers) ou utilisent les niches
fiscales. Leur niveau de vie réel n’a pas grand chose à voir avec ce
qui est affiché fiscalement. Quoi qu’il en soit, les 197 000 foyers les plus démunis
des bénéficiaires ne vont pas gagner grand chose avec le nouveau
bouclier fiscal : 700 euros en moyenne. Le boucler fiscal va surtout
favoriser les très haut revenus. Un petit nombre de contribuable va
recevoir des montants considérables. 18 000 foyers au revenu annuel
supérieur à 41 000 euros vont toucher 31 200 euros de ristourne en
moyenne par foyer. Pour eux seuls, le coût pour la collectivité est de
564 millions d’euros au total. Pour les plus gros patrimoines, c’est
une vraie aubaine. Ainsi, 1 080 foyers au patrimoine supérieur à 15,5
millions d’euros toucheront plus de 270 000 euros. La collectivité va
dépenser 272 millions d’euros pour eux. On peut tirer plusieurs enseignements de ces données : La
question des impôts payés par les couches de la population les moins
aisées n’est en rien résolue. Hors impôts indirects (comme la TVA), il
s’agit principalement d’impôts forfaitaires comme la redevance
audiovisuelle ou la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (1), et des
impôts locaux dont les bases de calcul - la valeur des biens
immobiliers - datent des années 60. La
maîtrise de la communication est un élément essentiel des politiques
publiques de baisse d’impôt. Officiellement, l’impôt sur la fortune
n’est pas remis en cause. Comme souvent, on utilise un paravent - la
veuve de l’île de Ré - au profit d’autres causes. C’est de la même
façon que l’on utilise les intérêts des petits agriculteurs pour
défendre ceux des grosses exploitations (2). Lors de la présentation du texte, la ministre de l’économie a reconnu à l’Assemblée nationale la véritable portée du texte : "On
entend souvent dire que cette mesure (le bouclier fiscal, ndlr) ne
concernerait que la partie la plus riche de la population, mais
n’est-ce pas celle qui fait tourner l’économie ?", a-t-elle
déclaré. Il faut aider les plus riches parce qu’ils créent la valeur.
Les salariés les moins qualifiés qui travaillent souvent dans les
conditions les plus pénibles pour les plus bas salaires apprécieront
d’apprendre leur faible apport à l’économie. Le
décalage est considérable entre l’intérêt des mesures et les montants
dépensés pour les mettre en œuvre. De la dette publique aux
commissariats, en passant par l’école, les besoins sont criants. Le
coût de la modification du bouclier fiscal est équivalent à ce que va
rapporter la franchise de soins (montant minimum non remboursé) qui
portera sur l’ensemble des ménages, quels que soient leurs revenus. L’ensemble
de ces données sont publiques, mais elles n’ont pas été diffusées.
Jusqu’où peut-on aller dans ce sens ? Les baisses d’impôt ont
aujourd’hui bonne presse : il en sera peut être différemment quand il
faudra les financer avec de nouvelles taxes. Louis Maurin (1) Qui ne sont pas juridiquement des impôts...
(2) Il en est de même, de façon plus générale, avec l’ensemble des professions libérales, des artisans et des commerçants.
Bouclier fiscal : gain pour les bénéficiaires selon les revenus annuels et le patrimoine et coût pour les finances publiques
Nombre de bénéficiaires
Coût pour les finances publiques (en millions d'euros)
Gain moyen par contribuable bénéficiaire (en euros) Revenu annuel en euros)
Moins de 3 191
197 954
141
713 de 3 192 à 7 068
6 819
19
2 763 de 7 069 à 9 958
2 087
10
4 662 de 9 959 à 12 587
1 351
7
5 477 de 12 588 à 15 029
1 089
9
8 255 de 15 030 à 18 148
1 259
9
7 371 de 18 149 à 22 961
1 550
11
7 329 de 22 962 à 29 460
1 681
15
8 667 de 29 461 à 41 297
2 559
24
9 566 Plus de 41 297
18 048
564
31 249 Total
234 397
810
3 456
Valeur du patrimoine en euros
Inférieure à 750 000
201 864
131
649 de 750 001 à 1 200 000
3 513
11
3 131 de 1 200 001 à 2 380 000
8 628
36
4 172 de 2 380 001 à 3 730 000
7 608
48
6 309 de 3 730 001 à 7 140 000
8 627
142
16 460 de 7 140 001 à 15 530 000
3 076
169
54 941 Plus de 15 530 000
1 081
272
251 619 Total
234 397
810
3 456 Source
: Ministère de l'économie, cité par le Rapport de Gilles Carrez, député
- Assemblée nationale n°62, juillet 2007. Année des données : 2007